1951 Le Vignoble et le Vin de Champagne by Georges Chappaz

I

LE VIGNOBLE ET LE VIN DE CHAMPAGNE NIVARD, évêque de REIMS, et son neveu, SAINT-BERCHIER, conçurent le projet d’ériger un monastère sur les rives de la Marne. Le chemin était long, le jour chaud et les saints fatigués. Ils s’assirent et bientôt Saint- NIVARD s’endormit. Il vit en rêvant, et Saint BERCHIER tout éveillé la vit également, une colombe s’échapper et se fixer sur un arbre. Voyant là un présage, ils choisirent à cet endroit l’emplacement de l’Abbaye et firent construire celle qui devait devenir célèbre sous le nom d’Abbaye d’HAUTVILLERS. » Toujours d’après MOREAU-BERILLON, l’Abbaye possédait de nom­ breux vignobles acquis au cours des siècles; en 1636 les moines en culti­ vaient eux-mêmes cent arpents, ses abbés étaient seigneurs d’HAUTVIL­ LERS, CUMIERES, CORMOYEUX, ROMERY, DIZY. Quel rôle joua réellement Dom PERIGNON dans l’histoire du Cham­ pagne mousseux tel que le monde entier l’apprécie maintenant ? C’est ce qu’a étudié le Chanoine NERET dans une petite brochure éditée à EPERNAY çn 1924, où l’auteur a mis toute son admiration de prêtre vivant au milieu des vignerons de VERTUS pour le moine d’HAUTVIL­ LERS et son œuvre viticole. Son enthousiasme apparaît avec éloquence dans une allocution qu’il prononçait à l’Eglise Notre-Dame d’EPERNAY le 23 juin 1923 au cours de la semaine dite « Semaine du vin de Cham­ pagne > au moment du bi-centenaire de Dom PERIGNON. « Quand au couvent d’HAUTVILLERS, disait le chanoine NERET, Dom PERIGNON sélectionnait les raisins de la vigne pour les fouler sous le pressoir, son âme, ce me semble, rendait hommage au Créateur et au Vigneron, auxiliaire de Dieu. Une expérience avait fait de lui un pépinié­ riste remarquable. Il avait étudié les plants et le sol où ils s’acclimataient le mieux; il donnait sur la culture de la vigne des leçons pratiques, justi­ fiées; il enseignait l’art de « gouverner les vins ». « Et quand, du vin paillé de jadis, il harmonisait les mélanges pour produire le blanc nectar de réputation mondiale; quand la première fois, il remonta des celliers le flacon couronné d’une mousse légère, sa sagesse appelait à son secours les bonnes volontés. « Le bouchage au liège, la manutention en cave fraîche, la modifi­ cation du flacon, la flûte, le ficelage, furent de son initiative. Bouchon- niers, cavistes, couvreurs de bouteilles, vos professions ont une noble origine. » Ses fonctions de cellerier donnaient à Dom PERIGNON la charge de diriger l’exploitation du vignoble et de la cave. Il s’y intéressa avec intelli­ gence, et les vins de l’Abbaye d’HAUTVILLERS, avaient une réputation méritée. Le Bénédictin Dom LELONG écrivait en 1783 dans une notice consacrée aux notoriétés de son Ordre : « Les vins blancs d’HAUTVIL­ LERS doivent leur renom à Dom PERIGNON, mort septuagénaire en 1715. Ce religieux, par la finesse de son goût, a fait connaître aux Champenois la façon de mêler les vins et de leur donner une délicatesse qu’on ne leur connaissait point avant lui. »

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