1951 Le Vignoble et le Vin de Champagne by Georges Chappaz

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HISTOIRE DE LA VIGNE ET DU VIN DE CHAMPAGNE

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C’est bien, en effet, avec Dom PERIGNON que se précisa l’utilité d’assembler les crus pour préparer le grand Champagne d’une façon rationnelle. Et c’est peut-être là la présomption la plus forte en faveur de « Dom PERIGNON, véritable créateur du Champagne mousseux >. assemblage », nous en reparlerons au chapitre de la vinification champenoise, ne présente pas le même intérêt pour les vins tranquilles. Dom PERIGNON. avec son grand sens de la vinification du Champagne, avait compris l’importance que présentait cette méthode pour mettre en valeur les splendeurs que la Providence avait accumulées sur les coteaux de nos crus les meilleurs. Il avait un sens particulier que n’ont plus nos dégustateurs modernes, car les documents de son époque signalent tous qu’il dégustait les raisins. Dom FRANÇOIS dans la Bibliothèque générale des écrivains de l’Ordre de Saint BENOIT (T. IV, p. 173) écrivait : « Cet homme unique a conservé, jusque dans une vieillesse décrépite, une délicatesse de goût si singulière qu’il discernait sans s’y méprendre, en goûtant un raisin, le canton qui l’avait produit. On lui en présentait un panier recueilli dans toutes les vignes du territoire et de celui de CUMIERES; il les goûtait, les rangeait, chacun selon le sol d’où ils venaient, et marquait avec assurance les espèces qu’il convenait d’allier pour avoir la meilleure qualité de vin. » Cette 'science de la dégustation des raisins que possédait Dom PERI­ GNON a été illustrée dans un fort beau tableau de FRAPPA que possède la Maison MOET & CHANDON où l’on voit Dom PERIGNON, devenu aveugle dans sa vieillesse, déguster et classer les raisins que lui présentent des moines de l’Abbaye. Les Champenois n’ignoraient pas cette méthode et lui accordaient déjà toute sa valeur puisque les habitants de PIERRY reprochaient, après la mort du moine célèbre, aux Bénédictins d’HAUTVILLERS, d’entraver la manutention des « l’avantage inestimable dont on est redevable au P. PERIGNON, leur auteur, de pouvoir mêler sur le pressoir les raisins de PIERRY avec ceux d’HAUTVILLERS et de donner, par ce moyen, d’après ce même P. PERI­ GNON, encore un degré d’excellence de plus à leur vin ». (Chanoine L. NERET-Dom PERIGNON, p. 19.) Quant à la mousse, il est bien probable qu’elle a existé avant Dom PE­ RIGNON par simple effervescence du vin de Champagne après sa mise en bouteilles. MOREAU-BERILLON cite une lettre de Saint-EVREMOND à Lord GALLOWAYS où il est écrit, le 29 août 1701, « qu’il regrettait que de telles gens s’efforcent de suivre la mode des vins mousseux datant de quarante ans », soit de 1661 environ. Mais Saint-E^VREMiOND ne semble pas accorder à ces mousseux une très belle qualité. On peut supposer assez facilement qu’il s’agissait de vins pétillant naturellement de façon très irrégulière, comme il arrive aux vins originaires de la Champagne qui n’ont pas subi le travail normal de la Champagnisation. Cet décimables » quand ils y trouveraient, disaient-ils,

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