1951 Le Vignoble et le Vin de Champagne by Georges Chappaz

C’est en Champagne que naquit peut-être la première Coopérative vini- cole de France en 1898. Mais elle avait pour marraine la discorde et devait être un instrument de combat social. Le phylloxéra venait de détruire les vignobles méridionaux, il ravageait la Bourgogne. 'Les vignerons cham­ penois ne croyaient pas encore au fléau. Les essais d’organisation de la défense contre le phylloxéra, par une collaboration active entre l’Etat, le Grand Commerce de Champagne et la Viticulture, venaient de soulever l’émeule. Un jeune homme plein d’illusion et d’ardeur avait pris la tête du mouvement de révolte. Il voyait dans la nouvelle organisation coopéra­ tive un moyen de lutte économique contre le commerce et il la conçut comme une maison de commerce, le vin subissant toutes les transformations et sortant à l’état de Champagne mousseux pour être livré au consomma­ teur. Cet essai n’eut pas le succès qu’en attendait son auteur, et la première coopérative champenoise n’eut qu’une existence éphémère. Il devait en res­ ter, aussi bien du côté du Commerce que du côté des vignerons, une certaine appréhension, sinon une hostilité, vis-à-vis des coopératives. Des cuvées collectives s’organisaient un peu partout dans les années de crises économiques où le commerce n’achetait pas ou achetait peu. Ces cuvées collectives étaient souvent aidées par les maisons de commerce, qui prêtaient des futailles, et parfois des vendangeoirs, à leurs livreurs grou­ pés. Ainsi, il semblait que les cuvées collectives étaient déjà des embryons de coopératives et que la distance entre les deux formes de coopération puisse être facilement franchie. Les cuvées collectives restèrent pourtant sans confirmation légale; elles fonctionnèrent sans règlement intérieur bien net. Si quelques-unes prirent exceptionnellement le titre de coopératives, c’était sans étudier bien sérieusement leurs statuts, et parfois pour pouvoir mettre à la disposition des vignerons l’aide du Crédit Agricole. On y avait bien l’impression d’organisations provisoires. Certaines ne laissèrent pas dans ces conditions de très bons souvenirs aux vignerons qui y participèrent. Les années de production moins élevée, survenant à des moments où les expéditions de bouteilles de champagne, reprenaient une allure normale, les cuvées collectives disparaissaient. Il y eut même des périodes où, pen­ dant la grande reconstitution du vignoble qui suivit la guerre de 1914-1918, le commerce eut besoin de vin. Les jeunes vignes plantées depuis 1919 ne rapportaient pas encore et les vieilles vignes françaises disparaissaient — 395 —

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