1951 Le Vignoble et le Vin de Champagne by Georges Chappaz

LES CÉPAGES AYANT DROIT A L’APPELLATION CHAMPAGNE point que nous n’avons vu indiquer nulle part de façon certaine. Eustache DESCHAMP, dans « la charte des bons enfants de Vertus » prétend pourtant que le plant de Vertus est venu de la côte de BEAUNE. Il est certain que la vigne était déjà très cultivée en Champagne à l’époque de Eustache DESCHAMP. (On s’y préoccupait beaucoup de la qualité des raisins, et on peut penser qu’il ne pouvait guère y avoir d’autre plant fin dans la Marne que le Pinot qui n’était peut-être pas jusque-là désigné par ce nom. Les meilleurs documents anciens sont peut-être les sculptures de nos églises champenoises où figure très souvent la vigne avec des grappes qui semblent bien rappeler les raisins de pinot, que les artistes du xiii \ du xiv' et du xve siècle, avaient sous les yeux lorsqu’ils fouillaient la pierre de nos églises. Les feuilles en général étaient plus découpées, ce qui pour­ rait bien indiquer qu’à cette époque les pinots étaient moins fertiles que de nos jours, la fertilité marchant de pair en général avec des feuilles plus entières qui sont le résultat d’une sélection attentive pratiquée par les vignerons de générations en générations. Ce qui est bien établi, c’est que, dans le passé, les raisins indiqués comme produisant les vins de Champagne étaient surtout les raisins noirs. Ainsi en témoigne une petite brochure imprimée en 1719 à AVIGNON d’après M. COUVREUR-PERIN, et attribuée au Chanoine GODINOT de REIMS. « Afin que le vin soit plus fin, il faut ôter tous les ceps qui donnent des raisins noirs grossiers... les meilleurs sent ceux dont les grains ne sont pas serrés et qui sont même un peu écartés parce qu’ils mûrissent parfaitement; ceux-là font le vin plus exquis; ceux-là qui sont bien serrés, ne sont jamais bien meurs. » Les nombreuses variations du Pinot noir sont dues, la plupart du temps au microclimat, c’est-à-dire au milieu local où le cépage est cultivé. Mais l’action individuelle a joué aussi un grand rôle dans les variations faciles du Pinot. Les vignerons ont sélectionné pour eux très souvent des formes de grappes qui leur plaisaient dans leur recherche double de la qualité et de la quantité. L’Abbé DERVIN, curé de POURCY, qui était un prêtre viticulteur, a cité à M. COUVREUR-PERIN un vigneron de la NEU- VILLE-AUX-LARRIS qui connaissait vers 1904 82 variétés de pinots cul­ tivées dans sa région. La plupart des variations de Pinot noir fin peuvent être classées comme le fait M. COUVREUR-PERIN, et comme le fit déjà le Docteur JOLICŒUR au Congrès qui se tenait à REIMS en 1880, en deux grandes catégories : les plants dorés et les plants gris (qu’il ne faut pas confondre avec le Pinot gris véritable dont nous entretenons plus loin nos lecteurs). Ce sont ces deux variations principales qui ont donné au vin de Cham­ pagne la qualité nécessaire à sa réputation et en même temps la quantité qui devait assurer l’existence des vignerons. Il faut y ajouter le plant de

— 71 —

Made with FlippingBook Online newsletter