1951 Le Vignoble et le Vin de Champagne by Georges Chappaz

LES CÉPAGES AYANT DROIT A VAPPELLATION CHAMPAGNE rition, surtout si on la remplace en meilleure situation et qu’on la laisse mourir de sa belle mort en lui demandant seulement des vins de consom­ mation courante. Le Gamay ne produit des vins de grands crus que dans le Beaujolais ou le Maçonnais, où il a trouvé le climat et le sol spécial pour affiner ses produits et en faire un cépage noble. C’est le Gamay qui produit le Moulin- à-Vent, le Juliénas, le Chirouble, pleins de finesse et de bouquet. En Bour­ gogne, il peut profiter de l’appellation régionale parce que les vins des crus ont des appellations locales qui lui sont interdites. En Champagne, il n’y a qu’une appellation régionale et des cuvées composées. J’ai dit en 1926 devant la commission d’enquête : a réclamé le droit à cette appellation régionale; elle l’a obtenue. Noblesse oblige. Son sort est lié à celui des crus de la Marne d’où le Gamay est pros­ crit, où il n’a existé, il y a vingt-cinq ans, que pour constituer, avec le Meu­ nier, des cuvées de vins rouges de pays, consommés jadis, avec grand plai­ sir d’ailleurs, dans nos auberges. Je ne crois pas qu’il soit possible pour un technicien de soutenir que le Gamay peut entrer dans une composition de vin de Champagne sans y introduire des caractères qui le feraient déchoir. » Et je rappelle comme à cette époque que la qualité seule ne suffit pas à justifier un cépage. Il faut songer aux caractères des vins. Le Sauvignon qui brille à Sauterne et le Pinot fin sont tous deux des cépages nobles produisant des vins de haute qualité. Mais on ne saurait faire un Cham­ pagne avec le Sauvignon et le Sauterne perdrait tous ses caractère si on le préparait avec le Pinot. Il y aurait un danger très grand à modifier l’édifice délicat constitué par cette réunion du sol, du climat, des cépages, des procédés de vinification et de culture d’où est sorti le grand Cham­ pagne. Il est indispensable de développer la distinction indiscutable qui sépare celui-ci des vins mousseux sans appellation, et c’est dans les crus incontestablement champenois qu’un technicien doit aller chercher les méthodes à suivre et la documentation des siècles passés. Les Pinots ne sont pas des cépages inconnus dans les vignobles de l’Aube. Mon collègue et ami GUICHERD signalait, dans son enquête de 1903, que le Pinot noir et le Chardonnay se rencontraient un peu partout en ce département. Sur les coteaux célèbres des RICEYS, le Pinot noir fin donne des vins rosés particulièrement délicieux. Le sol et le sous-sol des Ricey dérivent des marnes caillouteuses du Kimméridgien assez fréquentes dans la région de BAR-SUR-SEINE, sur lesquelles on récolte, dans l’Yonne, les vins de l’appellation « Chablis ». Les Riceys, Chablis, voici bien de belles références pour le Pinot noir et pour le Chardonnay. Quant au Pinot Meunier, qui peuple les seconds crus de la Vallée de la Marne et de l’Aisne, ne peut-il être essayé méthodiquement dans les vignobles actuellement plantés en Gamay ? Bien entendu, ces cépages ne peuvent réussir qu’à condition de leur appliquer les méthodes de taille et de culture en usage dans la Marne L’Aube

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