1952 Connaissance du Champagne by Maurice Hollande

capitaux que représente le séjour en caves de ces millions de bouteilles qui ne seront livrées qu'au bout de cinq ans à la consommation, et vous conclurez qu à qualité égale, le champagne était peut-être le moins coûteux des grands vins de France. On 11e saurait faire état, pour infilmer cette conclusion, des prix actuels dus aux difficultés de l’heure présente : dévaluation monétaire, hausse massive des matières premières (le kilo de raisin vendu par les propriétaires vignerons aux négociants sul - la base de 5 fr. 20 en 1938 a atteint 100 francs aux vendanges de 1950!), hausse considérable des bouteilles, du liège, des fils métalliques, des caisses d'emballage; relèvement des salaires, des transports..., tout cela fait que, pour l’instant du moins, les vins de Champagne se trouvent malheureuse­ ment à peu près hors de la portée du « Français moyen » dont les revenus s'amenuisent, dévorés par l’impôt, sans que la hausse des salaires arrive à rejoindre celle des prix. Mais cette situation n’est que provisoire et tôt ou tard 1 équilibre se rétablira, à un niveau que nous ne pouvons encore préciser, entre le prix des objets de consommation et le pouvoir d’achat du consommateur. Sans doute, les grands vins de Champagne 11'ont jamais été et ne seront jamais, pas plus d’ailleurs que les grands crus de Bourgogne et du Bordelais, la boisson quotidienne de l’employé et de l’ouvrier, mais on peut espérer qu’un temps viendra où la majeure partie des Français pourra, comme jadis, et sans s’imposer un sacrifice excessif, solenniser par la dégustation du champagne, ses fêtes familiales ou corporatives. □ POURQUOI DES PRIX DIFFÉRENTS?... Certains sont déroutés par les différences de prix, allant parfois du simple au double entre deux bouteilles de champagne. Comment se fait-il que, la matière première étant la même, les dépenses de manutention et autres étant sensiblement égales, deux produits couverts par la même appellation d’origine se vendent à des prix tellement éloignés l'un de l’autre?... Tout d'abord, nous avons dit que les prix du raisin variaient très fortement suivant l'échelle des crus. Le grand négociant doit à sa réputation, à sa clientèle d'amateurs éclairés et difficiles de 11e porter ses achats que sur les grands crus. Rien n’empêche, par contre, le petit négociant d’acheter dans les crus secon­ daires et moyens, car il a affaire à une clientèle moins exigeante et fait surtout des vins demi-secs ou doux, destinés à être bus dans les fins de repas, alors que le goût des convives est émoussé et que le sucre ajouté au vin masque ses imperfections. Voilà déjà, à la base de la production, une première différen­ ciation de qualité, et très importante. Ensuite, lorsqu’arrivent les vendanges, les premières pressées seules sont utilisées par les grandes maisons; les premières tailles, qui viennent ensuite, peuvent être vendues, pour un prix modique, à de petites maisons et entrer dans la composition de leur cuvée. C’est toujours du champagne, mais naturelle­ ment de qualité moindre... Enfin, il peut arriver qu’en dépit de son expérience et de toutes les précau­ tions prises, un grand négociant « rate» une cuvée; cela n’implique nullement que le vin ne soit pas bon, mais seulement qu'il ne répond pas rigoureusement 101

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