1952 Connaissance du Champagne by Maurice Hollande

renient entre les deux guerres (et en y sacrifiant d'ailleurs une bonne part de ses bénéfices), inculquer à nos concitoyens le goût du champagne et trouver cet exutoire dans une période où les exportations étaient rares et difficiles. Mais il ne faut pas se leurrer au point de croire que l'augmentation de la consommation française puisse compenser l’insuffisance des exportations : Seules, en effet, ces dernières, portant sur des vins de qualité et de prix, contri­ buent à garder à la Champagne la traditionnelle réputation qu’elle doit à l’excellence de scs produits, et permettent au négociant et au vigneron, comme à toutes les industries annexes (verreries, fabriques de bouchons, de caisses, de paillons, de muselets, de machines à manutentionner le9 vins, etc., etc...), de vivre et de se développer pour le plus grand bénéfice de la région et l’équilibre de notre balance commerciale. Malheureusement, les vins de Champagne, considérés, nous l’avons vu, comme un « produit de luxe », sont frappés, en cette qualité, de droits de douane excessifs, auxquels s’ajoutent souvent des taxes intérieures qui, dans bien des pays, paralysent les achats ou même les rendent impossibles. ...Faire réduire ces droits, tellement excessifs qu’ils ne profitent même pas aux Etats cpii les imposent, puisqu’ils aboutissent à tuer la consommation; obtenir que nos vins de Champagne ne soient plus, en matière d’accords com­ merciaux, les victimes désignées par avance à des représailles d’autant plus lourdes que les nations étrangères n’ont pas à redouter qu’on leur rende la pareille; enfin, d'une manière plus générale, s'efforcer de substituer au régime de l’économie fermée le rétablissement, entre les peuples, de relations économi­ ques normales, basées sur l’échange de leurs produits respectifs, tel doit être désormais l’objectif de nos négociateurs et de tous ceux qui voient dans le développement de nos exportations la meilleure sinon la seule solution aux redoutables problèmes devant lesquels se trouve notre économie. L’avenir du champagne est intimement lié au « climat » politique, économique, et même sentimental dans lequel évoluera la situation internationale au cours des pro­ chaines années... Le champagne ne peut avoir pour ennemis que le protection­ nisme ombrageux, les tendances à l’autarcie, la méfiance entre les peuples, l’inquiétude du lendemain. Il ne peut prospérer — et avec lui la joie de vivre — que dans une atmosphère de sécurité retrouvée, de renonciation sincère à toute solution des conflits internationaux basée sur l’emploi de la force... De cette ambiance paisible souhaitée au fond par tous les hommes, de cette euphorie qui leur permettrait de déposer un moment le pesant fardeau de leurs soucis et d’oublier quelque peu les misères inhérentes à leur condition, est-il meilleur symbole que cette coupe fraîche et pétillante, tendue par la Champagne au monde convalescent, avec ce sourire, indulgent et malicieux, qu'ont immortalisé les anges de la cathédrale rémoise?...

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