1952 Connaissance du Champagne by Maurice Hollande

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ROLE DES MOINES DANS LE DÉVELOPPEMENT DE LA VIGNE. La propagation du christianisme en Gaule contribua naturellement à y développer la culture de la vigne, le vin se trouvant promu, par le culte nou­ veau. au rôle éminent de matière du sacrement de l’Eucharistie. En outre, les moines, laborieux cultivateurs, défricheurs de marais, essarteurs de forêts, ne manquèrent pas de planter, là où ils s’installèrent, des vignobles qui devinrent rapidement les mieux entretenus de la région. La légende qui s’est cristallisée de bonne heure autour de la forte person­ nalité de saint Renii, archevêque de Reims à la fin du Ve siècle, donna l’essor à plusieurs miracles ayant trait au vin du pays : les sculptures de la cathédrale (xin® siècle) et les tapisseries de la basilique qui lui fut dédiée et qui abrite son tombeau nous ont conservé notamment Je souvenir du prodige renouvelé des noces de Cana, par lequel, en visite à Saulx chez sa cousine Celsa, qui se déses­ pérait de n’avoir plus rien à lui offrir à boire, il aurait rempli d’un vin pétil­ lant (déjà) et jaillissant par la bonde, un tonneau malencontreusement vide. Dans son testament (très ancien, même s’il est apocryphe comme le préten­ dent certains), saint Remi, mort en 530, après soixante-quatorze ans d’épiscopat, lègue plusieurs parties de vignes, entre autres aux diacres et prêtres de l’église de Reims, « une vigne nouvellement plantée située au-dessus de celle qu’il possède dans le faubourg même de la ville » et il lègue avec elle le serf qui la cultive. LES VINS DE CHAMPAGNE AU MOYEN AGE. Dès le haut Moyen Age, les poètes champenois commencent à louanger le vin de leurs coteaux : Thibault, comte de Champagne au xiii ° siècle, Guillaume de Machault au XIVe, et surtout Eustache Deschamps, « né à Vertus, le païs renommé » ... « dont li bon vin tout en maint lieu nommé », célèbrent à l’cnvi les vins d’Ay, de Cumières, de Damery, de Reims. Ces vins sont servis en abondance aux fêtes célébrées à l’occasion des sacres royaux. La vaste salle du Tau, contiguë au transept sud de la cathédrale de Reims, dans laquelle se donnait le banquet qui suivait la cérémonie religieuse, en a vu couler des flots. Le peuple d’ailleurs en avait sa part et l’on raconte qu’un grand cerf de bronze, placé dans la cour de l’archevêché, était rempli ce jour-là de vin qu’il rendait par la bouche... Mais en dehors de ces libations exceptionnelles, ce vin, produit alors en quantité insuffisante pour la consommation générale, restait un objet de luxe, réservé aux riches et aux puissants de ce monde; le menu peuple devait se contenter de petite bière ou cervoise. Toutefois, vers la fin du xiv° siècle, la plantation de la vigne sur une large échelle dut développer beaucoup l’usage du vin. LE CHAMPAGNE , BREUVAGE ROYAL. Les vins de la Champagne les plus réputés aux XVe et XVIe siècles étaient ceux d’Ay : Liébault les juge « clairets et fauvelcts, subtils, délicats et d’un goût fort agréable au palais; pour ces causes, souhaités par la bouche des rois, prin-

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