1952 Connaissance du Champagne by Maurice Hollande

mordants libelles, ode» emphatiques et cinglantes épigrammes. Et les prosateurs venaient à la rescousse : Maucroix comparait sérieusement Je bourgogne à Démostliène et le cham­ pagne à Cicéron : « Dans le vin de Bourgogne, disait-il, il y a plus de force et de vigueur; il ne ménage pas tant son homme, il le renverse plus brusque­ ment : voilà Démostliène. Le vin de Champagne est plus fin, plus délicat; il amuse davantage et plus longtemps; mais enfin il ne fait pas moins d'effet : voilà Cicéron. » Et Fontcnelle affirmait qu’un verre de champagne vaut mieux qu’une bouteille de bourgogne. Cette guerre civile où l’encre seule avait coulé (que n’en est-il ainsi de tous les conflits!) se termina à l’aube du XVIIIe siècle sur des formules de conci­ liation comme celle-ci :

...Un franc Bourguignon se fait gloire D'être avec un Rémois à boire; Ils sont tous deux bons connaisseurs Et ne sont pas moins bons buveurs...

Ce qui était la sagesse même... D’ailleurs, la querelle des deux grands vins avait perdu presque tout intérêt depuis que s’était répandue la renommée nouvelle des vins de Champagne mousseux. Bourgogne et champagne devenaient alors, placés qu’ils étaient sui­ des plans différents, complémentaires plutôt que concurrents... A quelle date se place cette « découverte » qui devait donner au champa­ gne la forme définitive sous laquelle il a véritablement conquis le monde? Le chanoine Godinot, grand propriétaire viticole et bienfaiteur insigne de la ville de Reims, qu’il dota de fontaines publiques, a publié, en 1718, un mémoire sur la culture de la vigne et le vin de Champagne, dans lequel il reporte à une cinquantaine d’années seulement avant lui l’origine des vins blancs mousseux : « 11 est vrai, dit-il — parlant des Champenois — qu’il n’y a guère que cinquante ans qu’ils se sont étudiés à faire du vin gris et presque blanc »; d’autres textes, notamment une lettre de Saint-Evremond, font remon­ ter jusqu’à 1660 l’apparition de ces vins. Une tradition, difficilement contrôlable mais de plus en plus populaire en Champagne, attribue dans cette « invention » le rôle prépondérant à un moine bénédictin, dom Pierre Pérignon, né à Sainte-Menehould en 1638, nommé en 1668 cellérier de l’abbayc d’Hautvillers, poste qu’il occupa jusqu’à sa mort, survenue en 1715. Qu’v a-t-il de fondé dans cette croyance? Il est certain que le vin mousseux existait bien avant dom Pérignon, car les vins blancs de Champagne ont une prédisposition naturelle à l’effervescence, et cette propriété n’a jamais dû être ignorée. Mais il semble que, jusqu’alors, la production de la mousse était plus ou moins laissée au hasard, sinon même considérée comme une fâcheuse incom­ modité par les vignerons, qui pratiquaient certaines recettes empiriques pour en atténuer les effets. De plus, la vogue et la vente se portant presque -exclusi- DOM PÉRIGNON.

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