1952 Connaissance du Champagne by Maurice Hollande

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de style classique, quelques vestiges des bâtiments conventuels, enfin une belle terrasse qu ombragent des arbres d’essences rares. La famille Chandon-Moët, propriétaire de ce domaine, en fait aimablement les honneurs. Un office religieux est d’abord célébré dans l’église, qui renferme le tom­ beau de dom Pérignon, marqué par une dalle sur laquelle est gravée son épita­ phe, ainsi conçue : « Ci-gît dom Pérignon, pendant 47 ans celléricr de ce monastère, qui, après avoir administré les biens de cette communauté avec un soin digne de tout éloge, plein de vertus et en première ligne d’un amour paternel envers les pauvre?, décéda dans la 77e année de sa vie, en 1715. » Puis un cortège se répand par les rues tortueuses d’Hautvillers, avec emblèmes reli­ gieux et bannières à l’effigie de saint Vincent, patron des vignerons. Un banquet, dénué de protocole mais somptueusement arrosé, réunit les pèlerins; viennent ensuite les divertissements; un théâtre de verdure dont la grande forêt pro­ chaine fournit libéralement le décor et les portants voit se dérouler des présen­ tations de costumes, d'anciens bonnets champenois, et de charmantes danses provinciales1. Quoi qu’il en soit du mérite personnel de dom Pérignon, c'est à l’époque où vivait le bon moine que se répand la mode du véritable vin mousseux, non plus « fauvelet » comme naguère mais d’un bel or pâle. C’est ce vin que Louis XIV consomma journellement durant une grande part de sa longue exis­ tence, jusqu’au jour où son médecin Fagon, le voyant faiblir, lui prescrivit les fumets plus capiteux — mais aussi combien plus échauffants — du vieux bourgogne. SOUPERS AU CHAMPAGNE DU XVIIP SIÈCLE. Les fameux soupers de la Régence lancèrent définitivement le champagne mousseux, dont la vogue ne fit que s’accroître sous Louis XV. Dès celle époque, il a pour lui le précieux suffrage de l’élite féminine; les jolies lui savent gré de ce qu’il les délecte sans les congestionner. 3VT"C de Parabère atteste qu’ « il fait briller le regard sans porter le feu au visage », et M,no de Pompadour voit en lui le seul vin « qui vous garde belle après boire ». Les poètes du temps — poètes mineurs auxquels la grâce et l’esprit tiennent lieu d’inspiration — le célèbrent par d’innombrables couplets légers. Presque tou9 lui paient leur écot, de Chaulieu à J.-B. Rousseau, jusqu'à Dclille et Voltaire, car Je grand homme, lui aussi, y alla de son hommage rimé et nous ne pouvons nous dispenser de le citer : soupeuses

Chloris, Æglé me versent de leur main D’un vin d’Aï dont la mousse pressée De la bouteille, avec force élancée, Comme un éclair fait voler son bouchon. Il part, on rit, il frappe le plafond. De ce vin frais l’écume pétillante De nos Français est l’image brillante...

Certains pourtant demeuraient hostiles à la mode nouvelle du vin mous- eeux. Bertin du Rocheret, d’Epernay, l’appelait dédaigneusement « saute-bou- Geneviève D evignes , rénovatrice du folklore champenois, dont l’érudition et le sens artistique se doublent d’une vita­ lité et d’un entrain communicatifs. 1. L’initiatrice de ces divertissements est M me 20

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