1952 Connaissance du Champagne by Maurice Hollande

LEUR DÉPENDANCE A UÉGARD DU COMMERCE. Par la force des choses, donc (abstraction faite des récoltants manipu­ lants qui vinifient et champagnisent eux-mêmes leurs raisins, mais n’ont qu’une part bien faible de l’ensemble des ventes), le petit propriétaire se trouve placé sous la dépendance du commerce qui lui achète sa vendange. Il pourrait s’émanciper si, devant une oil’re insuffisante et dérisoire (comme celle de 0 fr. 50 le kilo en 1934), il était en situation de garder sa marchandise, de vinifier et de vendre lui-même son vin, tout au moins de le loger en fûts dans l’attente d'un moment favorable pour l’écouler. Malheureusement, ayant, de temps immémorial, l’habitude de vendre son raisin, le vigneron s’est presque toujours désintéressé de la vinification; il n’a jamais réalisé ni même prévu l’achat de pressoirs, de tonneaux, de vaisselle vinaire en quantité suffisante; ce matériel indispensable, d’ailleurs coûteux, lui manque presque totalement, do sorte que si son acheteur traditionnel, le commerce champenois, vient à lui faire défaut, notre homme, affolé à la pensée que scs raisins vont lui rester pour compte, n’aura plus qu’une idée : s’en débarrasser à n'importe quel prix, c'est- à-dire les céder, même au-dessous du cours fixé, au premier courtier qui se trouvera là pour profiter de son désarroi et l'exploiter abusivement... TENTATIVES D'ÉMANCIPATION. C’est ici que peut intervenir utilement la solution coopératiste. Elle s'est manifestée en Champagne sous une double forme. Il y a d’abord des coopéra­ tives de vinification, d’ailleurs en nombre insuffisant, parce qu’elles ont contre elles l’esprit individualiste, disons nettement l’égoïsme d’un très grand nombre de vignerons, leur méfiance instinctive à l’égard de toute nouveauté, leur volonté bien arrêtée de ne tenter une expérience qu’après en avoir vu affronter les risques par d’autres qu’eux-mêmes. Il y en a cependant 130 dans le vignoble marnais. Là où il en existe une, les vignerons qui ne veulent pas céder leur raisin à un prix jugé par eux insuffisant le portent à la coopérative, qui fait une cuvée collective. La vinification faite, chacun reçoit, en vin, une part propor­ tionnelle à son apport en raisins. En général, les adhérents préfèrent laisser leur vin stocké à la coopérative et lui confier le soin de le vendre en cercle (c’est-à-dire en tonneau) au seul client possible, qui est le commerce de Cham­ pagne. Du reste, il est rare que le propriétaire porte toute sa récolte à la coopérative; le plus souvent, il n’en dépose qu’une partie, représentant l’excé­ dent qu’il n’a pu vendre dans des conditions satisfaisantes. C’est là ce qui fait la faiblesse de ces groupements; la plupart réunissent des quantités de vin tellement minimes que le commerce peut s’en passer, à moins qu’elles ne lui poient finalement cédées aux prix imposés par lui. Néanmoins, leur intermé­ diaire est utile aux vignerons qui, n’ayant pas d’acheteur attitré parmi les négociants, sont obligés de vendre au rabais, parfois même à des spéculateurs. En outre, elles ont pu, dans des époques critiques, faire appel au Crédit agricole et obtenir des avances d’argent, gagées par le9 vins stockés dans leurs caves. A côté des coopératives proprement dites, il existe aussi des « collectives ». Tandis que la coopérative est une association permanente, ayant des adhérents souscripteurs, un capital, généralement minime, des locaux — vendangeoir.

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