1952 Connaissance du Champagne by Maurice Hollande

pressoir, celliers — la collective est un groupement occasionnel, une entente passagère formée entre vignerons livrés aux mêmes difficultés, qui conviennent de faire pressurer et vinifier en commun tout ou partie de leur récolte. Dans ce cas, c'est un des associés, possesseur de vendangeoirs et de pressoirs, qui met locaux et matériel à la disposition de tous pour l’élaboration de la cuvée commune, dont les frais sont supportés par chacun en proportion de la quantité de raisins apportée par lui. Ces collectives peuvent, dans une année de mévente, contribuer utilement à « dépanner » les vignerons, mais leur instabilité, leur inexistence légale, rendent leurs services beaucoup plus précaires que ceux qu’on peut attendre des coopératives régulièrement constituées. 11 est assez normal que des propriétaires vignerons aient éprouvé la tenta­ tion de secouer d'une façon plus complète encore la tutelle impatiemment supportée du commerce, en créant des coopératives de champagnisation qui, au lieu de se borner, comme les précédentes, à pressurer les raisins de leurs adhérents pour vendre en cercle les vins obtenus, se chargeraient de travailler ce vin, de le rendre mousseux, comme le font les négociants, pour l'offrir directement à la clientèle, sous forme de bouteilles de champagne portant leur marque. Quatre de ces coopératives de champagnisation se sont créées, assez, récemment, à Ay, Villers-Marmerv, Reims et Mailly (il en existe une cinquième aux Riceys, dans l'Aube) ; elles semblent réussir de façon honorable. Mais nous ne pensons pas que l'expérience puisse être généralisée au point de menacer le quasi-monopole de fait que possède, dans ce domaine, le commerce des vins de Champagne. La préparation de ces vins est devenue, en effet, une véritable opération industrielle, nécessitant un outillage important, l'immobilisation de capitaux considérables (les bouteilles n’étant livrées à la consommation qu'après cinq ans environ de séjour dans les caves), des manutentions délicates, bref, toute une technique très poussée dont les maisons de commerce et leur personnel, en général très stable, ont l'expérience depuis de fort longues années, sans parler des aptitudes commerciales de leurs dirigeants, de leurs relations avec l’étranger et des moyens coûteux dont ils disposent pour lancer et maintenir leur marque sur ces marchés lointains. Il y a là, en faveur du commerce, un ensemble de positions acquises qui sont très fortes, et nous ne pensons pas que les vignerons soient en état de les entamer profondément. Eux-mêmes, d’ailleurs, ne paraissent pas, dans leur ensemble, eu avoir sérieusement l’intention. Les coopératives de champagni­ sation qu’ils ont fondées sont des initiatives intéressantes, mais nous serions fort étonnés si elles ne restaient pas ce qu’elle9sont actuellement : des exceptions. STABILITÉ DE LA POPULATION VITICOLE. Le vigneron champenois est essentiellement autochtone : en dépit des invasions, des migrations, des guerres, violents brassages de race9 que la Cham­ pagne, province-carrefour, a subis plus que d'autres régions, malgré l’attirance que pouvait exercer sur les gens du dehors la réputation de richesse du vigno­ ble, la population aborigène, fixée sur le sol, attachée depuis des générations au service de la vigne, ne s’est pas laissée entamer; le type originaire du grand blond aux yeux bleus se retrouve à chaque pas, presque identique et sans mélange visible d’apports étrangers. 57

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