1952 Connaissance du Champagne by Maurice Hollande

de pétards ou même de décharges de petits canons. La taille des vignes com­ mençait alors la veille de la fête et les sarments coupés étaient allumés sur les côtes, des rondes s'organisant tout autour. Des cortèges de jeunes gens défilaient à travers les rues du pays, quêtant chez les notables les éléments d’un bon repas qu’ils consommaient ensuite. Les cérémonies religieuses étaient organisées par des confréries de Saint- Vincent, formées dans chaque commune. Elles élisaient un bâtonnier auquel était remis le bâton de Saint-Vincent, surmonté d’un petit dais sculpté ou d’un entrelacement de pampres abritant une statuette du saint. En général, on allait processionncllement, fanfare locale en tête, chercher le bâton chez son déten­ teur annuel, pour Je conduire à l’église, où avait lieu une messe solennelle; la statue de saint Vincent, décorée de rameaux de vignes, de sarments, ou entourée des outils des vignerons, occupait, dans le chœur, une place d’hon­ neur. Des couronnes de brioche, accompagnées parfois d’offrandes en vin, étaient distribuées en guise de pain bénit. Des réjouissances profanes, dont le programme variait suivant les coutumes locales, se déroulaient ensuite : vin d’honneur, qui servait d’assemblée générale à la confrérie et au cours duquel s’effectuait la remise des pouvoirs et du bâton par le bâtonnier sortant au nouveau titulaire de la charge; banquet officiel ou. plus souvent, repas de famille, toujours égayé de chansons dont le caractère bachique l'emportait nettement sur les invocations au patron. En certains endroits — notamment à Provins, où avait lieu la « promenade de Bacchus », personnifié par un vigneron — on retrouvait la trace de très vieux rites païens, antérieurs à l’introduction du christianisme en Gaule. Aujourd’hui, les fêtes de Saint-Vincent ont perdu beaucoup de leur solen­ nité de jadis, mais clics sont encore célébrées dans la plupart des communes du vignoble; un grand nombre de confréries de Saint-Vincent existent toujours, et certaines prospèrent1. A Epernay même, où le groupement des vignerons est considéré, dans l'ensemble du vignoble, comme une sorte d’archiconfrérie, les fête®, auxquelles participent les autorités civiles et religieuses, revêtent un éclat particulier. A Reims, en vertu d’une tradition plus récente, c’est la Saint- Jean qui constitue la fête patronale des ouvriers de caves et dos industries annexes du champagne. L’usage de célébrer, avec le 1er mai, le retour de la belle saison était jadis pratiqué dans la plupart des régions rurales de France, et les vignerons ne manquaient pas de s’y conformer. Les jeunes gens fixaient, pendant la nuit, un bouquet ou une branche fleurie à la porte de leur bien-aimée; parfois, ils arrachaient dans la forêt prochaine un arbuste, un mai , qu’ils plantaient 6ur la place du village; une farce fréquente consistait à rafler nuitamment, pour les rassembler autour du mai, tous les objets, outils, instruments aratoires que des propriétaires négligents avaient laissés traîner à leur porte. De leur côté, les jeunes filles du pays, groupées autour de l’une d’elles — la trimouzette — vêtue et voilée de blanc, un cierge à la main, allaient quêter de porte en porte, remerciant les ménagères par la vieille chanson des trimou- 1. Voir : Emile M oreau , Le culte de saint Vincent en Champagne (brochure illus­ trée. édition du « Vigneron de la Champagne », Epernay, 1936, et Bulletin du Comité du folklore champeiiois, novembre 1931). 61

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