1952 Connaissance du Champagne by Maurice Hollande

Pour donner une idée du soin minutieux apporté aux moindres opérations, signalons que l'ouvrier doit s’assurer, en couchant horizontalement chaque bou­ teille, que la bulle d’air correspondant au vide laissé dans le haut du goulot vient bien se placer au milieu du liquide et qu’il n’en reste aucune partie adhérente au bouchon; faute de quoi, celui-ci, n’étant pas complètement baigné par le vin, pourrait se dessécher, se rétrécir et donner lieu à des fuites1...

SECONDE FERMENTATION ET PRISE DE MOUSSE.

Alors commence, dans l’intimité des flacons hermétiquement clos, le mys­ térieux travail de la seconde fermentation, ou prise de mousse : les levures, engourdies par l’hiver, se réveillent sous l’influence de la sève printanière qui, à cette époque, monte dans les vignes, comme si le vin se ressouvenait de ses origines premières. Les ferments s’attaquent à ce qui reste de sucre naturel dans le vin et au sucre de canne ajouté lors du tirage; ce sucre est décomposé, d’une part en alcool, qui augmente le titre alcoolique du liquide pour le porter à 12° environ et, d’autre part, en acide carbonique qui, prisonnier de la bou­ teille, se dissout dans le vin, se combine intimement avec lui, pour donner la mousse. Abel Hugo — fils de Victor— parlait jadis des « dangers » que présentait la visite des caves à l’époque de la fermentation. « Il n’est pas prudent, ajou­ tait-il, de traverser alors une cave sans être garanti par un masque en fil de fer. » Ce temps est révolu. Parfois, cependant, une sourde détonation, répercutée par les échos de la cave, éclate au sein d’un « tas ». C’est une bouteille qui n’a pu supporter la pression de 5 à 6 atmosphères trop à l’étroit dans ses flancs; le fait est maintenant assez rare; toutefois, une chaleur précoce ou de brusques à-coups de température peuvent en augmenter la fréquence; au contraire, l’expérience démontre que la mousse est plus fine, plus persistante quand la fermentation se fait lentement, à une température basse et régulière; aussi se trouve-t-on amené, quand la chc’eur est précoce, à descendre le vin dans des caves plus profondes et plus fraîches. Il arrive que les bouteilles soient ainsi déplacées plusieurs fois durant les longs mois qu’elles passeront dans les caves pour parfaire leur maturité. Les grandes marques, en effet, ne livrent un vin à la consommation que 4 ou 5 ans après sa récolte. Lorsque le vin a séjourné en cave pendant le temps nécessaire pour le plein épanouissement de scs qualités, on procède à sa mise sur pointe. La fermentation qui a développé la mousse a donné naissance à un dépôt, sorte de lie formée par des déchets de levures et de colle et des sels minéraux; ce dépôt n'altère sans doute pas la qualité du vin, mais il en rend l’aspect désagréable en troublant sa belle limpidité dès qu’on agite la bouteille. Il con­ vient donc de l’évincer en commençant par l’amener sur le bouchon. Pour ce faire, les bouteilles sont mises sur pointe, c’est-à-dire qu’après les MISE SUR POINTE ET REMUAGE.

1. Emile M oreau , op. cit., p. 101.

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