1952 Connaissance du Champagne by Maurice Hollande

avoir vigoureusement secouées pour détacher le dépôt plus ou moins adhérent aux parois, on les place, le goulot en bas, sur des tables-pupitres percées de trous et inclinées à 60 degrés. C’est alors qu’intervient le remuage , une des techniques les plus ingénieuses et les plus délicates de la manutention des vins de Champagne. Elle est confiée à des ouvriers spécialisés, rompus au « tour de main » tout particulier qu’exige l’opération. Pour la résumer en quelques mots, en laissant de côté des préci­ sions par trop techniques, disons seulement que chaque jour, pendant un délai très variable selon les vins à traiter, qui peut aller de 5 semaines à 2 ou 3 mois, l’ouvrier remueur fait subir à chaque bouteille de petites secousses, lui imprime d’un coup sec du poignet un mouvement de rotation sur elle-même d’un quart ou d’un huitième de tour, et enfin la redresse légèrement le col en bas, dans une position un peu plus voisine de la verticale. La combinaison, quotidienne­ ment répétée, de ce triple mouvement, finit par atteindre le résultat poursuivi : bouteille presque verticale, dépôt aggloméré sur le bouchon, vin d’uce limpidité cristalline... DÉGORGEMENT. Il ne reste plus qu’à évacuer le dépôt sans altérer le vin, sans lui faire perdre sa mousse : c’est le rôle du dégorgement. Cette opération, qui comportait naguère certains risques : perte de gaz et d’une certaine quantité de vin au moment du débouchage, éclatements de bouteilles susceptibles de causer des accidents, est aujourd’hui bien facilitée par l’utilisation du froid artificiel. Pour y procéder, on plonge le goulot de la bouteille, tête en bas, dans un bac rempli d’un mélange réfrigérant à —16 ou — 18°. En quelques minutes, il se forme dans le col de la bouteille un glaçon de vin qui enrobe le dépôt. Il suffit alors de redresser la bouteille, de faire sauter l’agrafe et d’attirer à l’aide d’une pince le bouchon, qui, poussé par le gaz, sort avec une légère détonation, entraînant avec lui le dépôt; grâce à l’influence du froid, la perle en gaz et en vin est insignifiante. Le vin est maintenant tout à fait limpide. En outre, la fermentation ayant détruit tout son sucre, il est « brut ». On le proclamait jadis imbuvable en cet état. La mode a bien révisé ce jugement et, pour une fois, elle se trouve d’accord avec le goût. Les vrais amateurs reconnaissent de plus en plus que rien ne vaut un champagne brut de bonne maison et de grande année. Mais enfin, c’est un fait, le vin brut ne convient ni à tous les gens, ni à toutes les circonstances. Il faut donc — profitant de ce qu’il est débouché par le dégor­ gement — le doser , pour le mettre à même de satisfaire tous les goûts. DOSAGE. Le dosage consiste à introduire dans chaque bouteille une certaine quantité de liqueur dite d’expédition. Ah! cette liqueur, que de sottises elle a fait dire! et combien elle a fourni d’armes — déloyales et empoisonnées comme la calomnie elle-même — aux détracteurs du champagne!.. En 1885 déjà, la Chambre de commerce de Reims protestait avec indignation contre un rapport du directeur du Laboratoire

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