1952 Connaissance du Champagne by Maurice Hollande

vigueur du système nouveau, ne se sont pa9 rétablies. L'industrie de la verrerie à bouteilles s'est ainsi trouvée fortement concentrée, car, les besoins restant les mêmes, les usines réduites en nombre ont dû augmenter leur production. A la veille de la dernière guerre, trois ou quatre verreries seulement fabriquaient la «champenoise», une à Reims, une dans l'Aisne (Vauxrot), une dans le Nord (Fourmies), enfin deux usines appartenant à la Compagnie de Saint-Gobain (Saumur et Chalon-sur-Saône). Les fabricants ou négociants en bouchons, souvent originaires d'Espagne, forment à Reims et Epernay, où ils occupent environ 500 ouvriers, de petites colonies ibériques, d’ailleurs presque complètement assimilées. Il convient de citer également les fabricants de caisses (dont plusieurs sont en même temps entrepreneurs de menuiserie), les vanniers, les fabricants de paillons, plusieurs usines produisant les capsules, le9 muselcts, les feuilles d'étain nécessaires à l'habillage des bouteilles, les lithographes spécialisés dans la composition des étiquettes; quelques établissements fabriquant les diverses machines à manutentionner les vins, les pressoirs, etc.; enfin des entreprises produisant les engrais et les produits chimiques utilisés pour le traitement des vignes... Toutes ces industries, gravitant autour de l’industric-mère du cham­ pagne, sont naturellement liées à sa prospérité comme à ses difficultés; c’est entre elles une alliance étroite, indissoluble — for the best and worst... La fête corporative de la Saint-Jean, célébrée à Reims avec une solennité particulière, permet de mesurer, chaque année, l'importance des effectifs tota­ lisés par ces diverses professions. Les grands négociants prêtent à tour de rôle leur maison et... leurs vins — geste qui n'a rien de platonique lion traditionnelle qui a lieu dès 9 heures du matin. Figurez-vous un immense cellier, parfois même deux ou trois celliers com­ municants; à l'une des extrémités, une vaste estrade décorée de drapeaux, de plantes vertes; au bas de l’estrade, des alignements de bancs, de tables... et de bouteilles casquées d'or, à perte de vue. Tables et bancs sont occupés, bien avant l'heure, par des milliers d'ouvriers et d’employés endimanchés, venus avec leur famille: les cavistes sont les plus nombreux; beaucoup portent l'insi­ gne — ruban vert et grappe de métal doré — de la corporation des tonneliers et ouvriers de caves, organisatrice de la fête; avec eux, la foule de leurs cama­ rades, salariés des industries annexes. Sur l'estrade apparaissent enfin, saluées par la fanfare des tonneliers, les autorités civiles, militaires, religieuses, les « patrons » du champagne et des industries annexes, au grand complet. La pourpre cardinalice voisine avec les uniformes kakis ou rutilants, qui coudoient eux-mêmes la funèbre tenue noire, galonnée d’argent, des préfet et sous-préfet... Viennent les discours; ils ne doivent pas être longs, sinon l’impatience — bien légitime — se manifeste par la pétarade incongrue d’un bouchon trop pressé. A peine le dernier orateur a-t-il prononcé son dernier mot que commence un feu roulant de détonations joyeuses, une salve délirante de milliers de bouclions sautant sans discontinuer... Les verres sont plusieurs fois vidés et remplis, puis l’assemblée quitte les celliers pour la récep- LA SAINT-JEAN.

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