1952 Connaissance du Champagne by Maurice Hollande

« Quelle vie est-ce donc que celle de l’homme qui se retranche le vin?... ■» (Ecclésiastique, XXXI, 27.) « La mousse fine vivait dans la liberté des coupes , montait blanche, bruissait, fondait en un vin aiLssi pur que le cristal taillé. » (Pierre H amp : Vin de champagne.)

PRÉLIMINAIRES DE LA DÉGUSTATION. Une bouteille de vin quelconque est déposée sur la table : on la débouche sans précautions spéciales, on verse le liquide dans les verres, on le boit, et tout est dit. Les opérations qui précèdent la dégustation d'un grand vin de Champagne sont plus complexes : avant de toucher le goût, notre vin, en effet, sollicite agréablement la vue, l’ouïe et l’odorat. Voici venir la bouteille, à demi cachée par le seau argenté d’où émerge son col incliné; elle en sort, couverte d’une fraîche buée; on contemple sa robe vert sombre, taillée dans un verre de choix, suffisamment épais pour résister à la pression du petit explosif prisonnier de ses flancs; le casque d’or ou d’argent du bouchon en forme de turban, son muselet en fil de fer, la collerette, l’étiquette... Pour les observateurs superficiels, rien ne distingue une bouteille d'une autre : un gros bouchon à la tête arrondie, une étiquette blanche, jaune ou noire; c’est là tout ce qu’enregistre leur regard distrait. Us ignorent que les grandes maisons, soucieuses d’éviter, dans la « tenue » de leurs bouteilles, la moindre fausse note, en ont étudié soigneusement l’habillage, cherchant à établir entre ses diverses parties d’élégantes et subtiles harmonies, aidés dans cette tâche par des dessinateurs, puis par des lithographes spécialisés : carac­ tères donnant le maximum de visibilité; opposition savante entre les lettres et le fond sur lequel elles se détachent; combinaisons sombres ou riches d’ar- 87