1952 Connaissance du Champagne by Maurice Hollande

fin des perles transparentes venant exploser doucement à la surface du liquide évoque plutôt l’épanouissement des bouquets de fusées dorées qui terminent un feu d'artifice..'.

PRISE DE CONTACT. Mais laissons là les bagatelles de la porte! Vous n’avez fait jusqu’ici que jouir par la vue du précieux vin; deux autres sens doivent participer bien plus étroitement aux joies de la dégustation. S’il s’agit d’un grand vin de Champagne dont le bouquet et la finesse ne soient pas émoussés par un sucrage excessif, n’hésitez pas à le flairer : dans son odeur discrète mais nettement accusée, vous humerez d’un seul coup, harmonieusement fondu, le parfum délicat des divers crus de Champagne. Et puis, si vous voulez du premier coup obtenir la révélation totale des esprits du vin, buvez-en, non pas une mince becquée à la façon des poules... ou de nos belles voisines de table; pas non plus une vaste gouléc mais une lampée — moyenne — suffisante pour bien imprégner la surface de votre langue et la voûte de votre palais. Votre bouche, incontinent, s’emplira d’une rumeur sonore et joyeuse et si, suivant le conseil des vieux et vrai9 amateurs, vous muscliez votre vin en le serrant entre langue et palais, vous sentirez s’écraser sous cette pression les fragiles bulles de gaz et s’affirmer en même temps le bouquet propre du délicat breuvage. Après cette première et décisive prise de contact au cours de laquelle — si vous savez vous y prendre — le champagne aura dû vous livrer, d'un coup, tout son secret, vous y reviendrez à volonté, confirmant, rafraîchissant vos sensations gustatives. Mais ne videz jamais votre verre d'un trait: épuisez-lc à petites gorgées réfléchies et souvenez-vous que. moins que tout autre vin, le champagne — parce qu’il est mousseux et gazeux — est fait pour être bu à la régalade... Et puis, n’allez pas imiter le geste idiot des snobs qui, tirant de leur étui à cigarettes un petit bâtonnet d’or ou de platine, le plongent nonchalamment dans leur verre et l’y agitent d’un air vaguement dégoûté pour en faire dispa­ raître — comme si c’était quelque chose de malpropre! — cette mousse fine et délicate dont la nature a gratifié nos vins pour en rehausser la saveur et l’agrément... □ QUAND ET COMMENT FAUT-IL BOIRE LE CHAMPAGNE?... En répondant à cette question, nous allons heurter de front ce que j’appel­ lerais volontiers le grand préjugé français, celui qui consiste à faire du cham­ pagne lin vin de dessert, plus ou moins additionné de sucre, destiné uniquement à être consommé dans le brouhaha d’une fin de repas joyeux, alors que les palais, émoussés par le9 glaces et les petits fours, ne sont plus en état d’appré­ cier un vin, quel qu’il soit. Remarquez que je ne critique pas cette conception mais seulement son exclusivisme. Certes, il est glorieux pour le champagne d’être indissolublement associé à la célébration des joies familiales — bonheur tout neuf d’un baptême ou d’une première communion, fierté d’un examen brillamment subi, soulage- 80

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