1952 Connaissance du Champagne by Maurice Hollande

nient qu'apporte une convalescence, plaisir clu revoir après une longue absence — à tel point que l'événement heureux semble appeler, comme un complément indispensable, l'apparition de la bouteille casquée d’or. Le champagne est aussi le véhicule obligatoire des toasts, le vin des ban­ quets, officiels ou populaires. Tous ceux qui veulent s’évader pour quelques heures des monotonies de la vie quotidienne vont à lui comme à une source de gaîté, d'optimisme, de réconfort. C’est là un rôle flatteur, assez touchant même et nous ne demandons pas que le champagne cesse de le jouer mais c'est aussi un rôle ingrat. Car le champagne finit par n’être plus, tout au moins en France, qu'un symbole, une sorte de drapeau planté sur une table pour indiquer que le baromètre de la gaîté est au beau fixe; quant au vin, il est entièrement sacrifié; on fait abstraction de sa qualité, de 6on goût propre : il mousse, il est sucré, c’est tout ce qu’on lui demande. PRIMAUTÉ DES GRANDS VINS BRUTS. Eli bien, non, ce n’est pas assez! Le champagne peut et doit donner plus et mieux que cela. Nous l’avons déjà dit, il est le frère, nullement indigne, des grands vins de Bordeaux et de Bourgogne; il est, comme eux, un des joyaux de notre couronne de pampres et vaut qu’on lui fasse l’honneur de le déguster pour lui-même. Il est, en outre, à peu près le seul grand vin qui puisse — accom­ pagnant tous les mets successivement servis et se mariant heureusement avec leurs saveurs diverses — se boire d’un bout à l’autre du repas, sans lassitude pour le palais ni pour l’estomac. Seulement, il faut — c’est là une condition essentielle — déguster avec les aliments salés des vins bruts ou extra-dry, et réserver pour le dessert les vins plus ou moins dosés. Certains pays étrangers, fidèles clients de la Champagne, n’ont nul besoin de ces recommandations. Les Anglais, les Belges, pour ne citer qu’eux, n'appré­ cient guère que les vins bruts ou dosés à quantité infime; les Etats-Unis eux- mêmes, jadis grands consommateurs de vins secs, que beaucoup de maisons avaient baptisés en leur honneur « goût américain », se tournent de plus en plus vers les vins extra-secs. En France, certains milieux de connaisseurs emboî­ tent le pas, mais le consommateur moyen — en comprenant sous ce vocable une certaine bourgeoisie provinciale, aisée mais peu encline à changer ses habitudes — demeure attaché à la conception, trop exclusive, du « champagne vin de dessert ». Il faut reconnaître qu’elle a pour elle la tradition. Pendant la plus grande partie du xix° siècle, les vins de Champagne se buvaient sucrés, à des degrés divers. Le lancement des champagnes bruts ne date guère que des années 1865-70 mais depuis, leur développement n’a jamais cessé de s’accroître, surtout à l’exportation. Ces vins coûtent un peu plus cher que les autres mais ce sont les seuls qui mettent délibérément en valeur les plus précieuses qualités du champagne. On peut, en effet, masquer les faiblesses d’un vin en l’additionnant de sucre; avec le vin brut, pas de tricherie possible : le choix des crus, l’harmonie de leurs mélanges, la réussite particulière d’une année, les soins apportés au travail des vins sont les seuls éléments dont puisse jouer le producteur. Aussi n’importe quelle maison, même médiocrement outillée, peut-elle, avec des vins de second cru prématurément livrés à la consommation, sortir un vin demi-sec ou doux qui soit mieux qu’acceptable, tandis que 1* « édition » d’un grand vin brut sans 90

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