1952 Connaissance du Champagne by Maurice Hollande

Commerce. Il arriva, coiffé de la majestueuse perruque, vêtu du somptueux costume traditionnel et flanqué de deux laquais, galonnés sur toutes les cou­ lures, qui ne le quittaient pas d’une £,emelle. La consigne était de ne présenter que des vins de grands millésimes et tous antérieurs à 1914 : Vins non mousseux de Champagne : Avize 1904 - Louis Rœderer. — - George Goulet. Mesnil 1906 - Henry Goulet. 1906 - Ayala 8c C‘°. — - Heidsieck & C,e Monopole. — - Ernest Irroy. — - Perrier-Jouet & C'e. — - Pol Roger & C,p. Vins de Champagne mousseux :

Saran 1911 - Moët et Chandon. Chouilly 1911 - Duminy & C,p. 1893 - Delbeck & C,c. — - Krug & C10. 1904 - Veuve Clicquot-Ponsardin. — - Fommery & Greno. — - Deutz & Geldermann. Verzenay 1906 - G. H. Mumm. Cramant 1906 - Binet Fils & C'c.

— - Bollinger. 1911 - Couvert.

— - Charles Heidsieck. — - Lanson père et fils. — - Montebello. — - Joseph Perrier fils & C1'. — - de Saint-Marceaux & Clc.

Il est arrivé — mais une seule fois à ma connaissance que les séductions de nos vins laissassent insensibles ceux auxquels elles s’adressaient. Au temps où la marée prohibitionniste battait son plein aux Etats-Unis, Reims reçut un jour un groupe important de gros fermiers du Far-West, de passage en Cham­ pagne. Tous étaient des abstinents renforcés. Jusqu’au bout du repas, ils résis­ tèrent à la tentation, et même à l’heure des toasts, ils répondirent aux avances des Rémois en choquant contre leurs flûtes engageantes de tristes verres remplis d’eau pure. Une telle conviction force le respect. Saluons-la donc, tout en déplorant l'étrange aberration d’esprit dont elle témoigne. Et constatons que, même à cette époque, elle était loin de rallier runanimité aux Etats-Unis, témoin cette autre réception de maires des grandes villes américaines, venus à Reims, en pleine prohibition eux aussi, et qui firent d’autant plus honneur du moins légalement — chez eux. au champagne qu’ils en étaient privés Pour clôturer le chapitre de l'hospitalité champenoise, je ne saurais mieux faire que d'évoquer l'ingénieuse et charmante idée de ce grand négociant rémois, homme d'initiative en tout domaine du reste, fervent ami des sports et anima­ teur, après 1918, d’une coopérative de reconstruction qui réédifia, pour son compte, une bonne partie de la ville détruite : ses invités, lorsqu’il les recevait au rez-de-chaussée de se9 caves, avaient parfois la surprise de trouver, chacun devant sa place, un robinet de cristal relié à une tuyauterie de verre circulant sous la table qui débitait à volonté un excellent vin non mousseux. On conçoit le succès de ces « déjeuners au robinet » dont l’originale nouveauté a séduit tous ceux qui ont eu la bonne fortune d’y participer. □ LE CHAMPAGNE EST-IL UN VIN DE LUXE? Un préjugé, communément admis non seulement en France mais aussi à l’étranger (où, comme nous le verrons, il nuit indirectement à nos exportations), représente le champagne comme un vin de luxe, un « vin cher », inaccessible aux petites bourses et réservé à une élite de privilégiés. 99