1949 Le Barman Universel by P Dagouret (11e edition)

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AVANT-PROPOS

quente béatitude du cerveau ; demi-extase dans la quelle beaucoup de personnes se complaisent. Les alchimistes d'autrefois ont péli à rechercher la solution de deux grands problèmes; la pierre philoso- phale, l'eau de Jouvence. Sur le premier point leurs travaux ont été stériles et vains ; mais sur le deuxième, s'ils ont failli à composer l'élixir de longue vie pro prement dit,,ils ont, du moins, réussi à retirer de leurs cornues, de leurs alambics, des produits infusés, macé rés ou distillés, connus alors sous les noms de : bau mes, philtres, cordiaux, extraits ou élixirs ; lesquels, s'ils ne procuraient pas l'éternel printemps, s'ils n'étaient pas l'universelle panacée, s'ils ne prolon geaient pas réellement la vie, la faisaient cependant paraître parfois plus agréable et, dans certains cas, apportaient aux malades un véritable réconfort ; aux malheureux l'oubli momentané de leurs peines; aux épuisés un renouveau de forces, une jeunesse, éphé mère sans doute, mais pourtant incontestable pendant ses effets. Les premières liqueurs furent ainsi créées. La méde cine empirique s'en empara, leur usage se vulgarisa. Puis des praticiens émérites, de savants chimistes tra- vaiilant alors sur des bases positives, sans cesse accrues, réussirent à améliorer, à perfectionner ces premiers- produits et à nous doter de ces belles, bonnes et délec tables liqueurs qui, flattant l'œil et réjouissant l'esprit font la joie du gourmet. Si elles ne coulent point de l'illusoire fontaine de Jouvence, elles sont néanmoins une source de plaisirs. 11 semble que l'on eût pu s'en tenir à ce magnifique résultat. Mais l'homme est épris d'excellence. Le pro grès ne peut s'arrêter sans perdre et son sens et son nom. Le bien-être ne suffit plus, le mieux-être nous attire constamment. La perfection est un perpétuel deve nir. De chacune de ces liqueurs lentement nées des lon gues recherches, des patients et minutieux travaux de laboratoire, nous aurions pu nous déclarer satisfaits. Non I Le génie humain ne pouvait interrompre sa mar che vers la transcendance. Nous combattrons sans cesse pour la conquête du Nectar Intégral I II fallait de tant d'excellences, de tant d'exaltations palatables, par des combinaisons différentes, extraire de nouvelles délecta tions ; et trouver de plus surprenantes, de plus délica tes sensations gustatives. De là vinrent les Soyer, les pousse-l'amour, les cocktails, etc. ; et tous ces mélan ges délicieux qui font la renommée du barman et la réputation méritée des bonnes maisons.

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