1951 Le Vignoble et le Vin de Champagne by Georges Chappaz
LA VINIFICATION CHAMPENOISE
Si on dépasse cette maturité physiologique, on entre alors dans la période de surmaturation. Pendant cette période, le grain de raisin n’em prunte plus grand chose à la souche, la proportion de lévulose augmente par rapport au glucose, les matières colorantes, tendent à s’insolubiliser. Les huiles essentielles parfumées qui en Champagne n’existent guère que dans les pellicules des grains de Chardonnay, se concentrent et s’exagèrent. Il ne semble pas douteux que c’est la maturité physiologique qui doit être recherchée en Champagne pour obtenir un moût très bien équilibré. Si dans les années exceptionnelles la surmaturation pouvait être envisagée, il conviendrait de l’éviter comme susceptible de retirer aux vins de la finesse et cette légèreté de parfum qui s’harmonise si bien avec la mousse. Mais le plus souvent, sous le climat septentrional de Champagne, on arrive juste à la maturité physiologique, et il faut faire attendre le plus possible les viticulteurs pour l’atteindre en toute sa perfection. Il faut alors aux producteurs beaucoup de courage et de sang-froid, car les pluies surve nant, abondantes parfois, peuvent faire déclarer rapidement la pourriture prise, qui enlève une grande partie de la récolte en compromettant la qualité de ce qui est sauvé si toutes les précautions, minutieuses et coûteuses en certaines années, ne peuvent être prises. Tout cela était connu des géné rations de vignerons, et c’est avec les anciens que nous avons appris pour la première fois, à notre arrivée en Champagne en 1904 que la période s’écoulant entre la floraison de la vigne et la maturité physiologique du grain de raisin était comparable à une gestation qu’influence relativement peu la température de l’été. Si la saison estivale est chaude et favorable à la maturation, la qualité est influencée favorablement; mais la date de la vendange n’est guère avancée par rapport à la floraison que de quelques jours. Inversement, dans des années où l’été est frais et pluvieux, les raisins mal mûris donnent des moûts acides et sans beaucoup de sucre, les vins sont de qualité médiocre, mais la maturité physiologique est acquise à peu de jours près à La même distance de la floraison. Mais la floraison elle-même n’est pas un acte physiologique qui se fixe facilement à une date. Elle dure un temps plus ou moins long suivant les années. Entre son début et sa fin, il faut donc déterminer une date plus importante, et ce n’est pas toujours chose très facile. En Champagne, les observations poursuivies depuis fort longtemps ont fait admettre que l’intervalle normal entre la floraison et la vendange telle qu’elle doit être faite est de cent jours. Tenant compte de cette donnée, il faut néanmoins suivre la matu ration du raisin pour arriver à préciser la date où doit commencer la vendange. Pour cela, on observe l’accroissement du sucre et la diminution de l’acidité. MANCEAU a exposé lui-même la méthode qu’il a suivi pendant de longues années (« Vinification champenoise », par Emile MANCEAU, p. 12) :
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