1951 Le Vignoble et le Vin de Champagne by Georges Chappaz

L’APPELLATION D’ORIGINE « CHAMPAGNE ». SA RÉGLEMENTATION

administrative était vraiment une œuvre étatiste. La première délimitation de la Champagne date du 17 décembre 1908. Elle provoqua des émeutes dans la Marne et dans l’Aube. (On en fit une autre le 17 juin 1911 qui n’eut pas beaucoup de succès non plus. Le décret du 17 juin 1911 complétait celui de 1908 en ajoutant autour de la première zone délimitée, qui avait droit à l’appellation « Champagne » une deuxième zone qui avait droit à l’appellation « Champagne deuxième zone ». A peine venait-on de terminer les délimitations administratives que, devant les protestations soulevées par les décisions prises, le Gouvernement et le Parlement songeaient à en modifier les bases. Un projet de loi fut déposé le 30 juin 1911 par M. PAMS, alors Ministre de l’Agriculture. Le projet ne vint en discussion qu’en 1913. Voté par la Chambre, il était devant le Sénat lorsque la guerre éclata. La discussion n’en fût reprise que le 27 février 1919. Il fallait aller vite cette fois, car le traité de paix devait contenir des textes garantissant la protection de nos appellations d’origine. Le vote définitif fut acquis le 24 avril, et la loi nouvelle fût promulguée le 6 mai 1919. Elle s’étendait d’ailleurs à tous les produits. Aux délimitations administratives prévues par la loi de 1908 se substituaient des délimitations judiciaires. Mais la différence entre la loi de 1905, complétée en 1908, et la loi du 6 mai 1919, n’est pas seulement dans le principe qui règle la procédure à suivre pour les délimitations. La loi de 1905 est une loi de répression des fraudes qui se préoccupait seulement de protéger le consommateur; elle prévoyait une action correctionnelle contre le fraudeur en son article pre­ mier. La loi de 1919 poursuit un autre but : protéger le producteur, pour lequel l’appellation d’origine est un droit de propriété qui peut être établi et défendu devant les tribunaux civils. Ce n’est qu’après avoir établi ce droit de propriété, qu’il y aura poursuite pénale contre le fraudeur. Aussitôt après la promulgation de la loi du 6 mai 1919 commencèrent d’interminables procès entre les viticulteurs de la Marne et les viticulteurs de l’Aube. Ces procès ruinaient les syndicats engagés dans la lutte sans apporter la solution définitive. Alors, vignerons de la Marne, vignerons de l’Aisne et vignerons de l’Aube demandèrent l’arbitrage de la Commission des Boissons de la Chambre des Députés qui vint à EPERNAY en 1926 et procéda, sous la présidence de M. BARTHE, à une enquête approfondie. M. BARTHE rendit sa sentence d’arbitre le 3 février 1927. M. CAPUiS, alors député de la Gironde, et M. BINDER, député du Rhône, présentaient la proposition qui devait aboutir à la loi du 2-2 juil­ let 1927. Cette loi complétait utilement la loi de 1919 en y introduisant l’aire de production et les cépages. La sentence arbitrale de M. BARTHE devint un des chapitres de cette loi. Ce chapitre précisait la délimitation actuelle de la Champagne viticole et commençait une réglementation d’où est partie en réalité toute une législation spéciale à la Champagne.

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